La génération Z est-elle « Charlie » ?

Dix ans après l’attentat des frères Kouachi, nous sommes allés à la rencontre d’étudiants dans le 13ème arrondissement de Paris. Ceux qui étaient enfants en 2015 ne sont plus certains d’être « Charlie ».

« Etant donné le contexte avec toutes les violences qu’on voit dans le monde, c’est plus compliqué [d’être « Charlie »] maintenant », me confie Thomas, âgé de neuf ans lors de l’attaque. A l’époque une large majorité des Français s’est sentie proche du journal. Elle se revendiquait « Charlie » au nom d’une liberté d’expression qui ne semble plus être une priorité pour les étudiants d’aujourd’hui comme nous l’a révélé Ali : « Je pense que les débats sont plus complexes aujourd’hui, notamment avec la montée des tensions religieuses ». Pour ces étudiants entourés de tags « free palestine », il est compliqué de prioriser une cause qui s’engage à caricaturer (entre autres) la religion des Palestiniens.

Mais Hilaire, 22 ans, invoque une autre raison, celle de la mémoire : « J’étais jeune, je m’en souviens moins bien que mes parents. Je ne pense pas que ça m’ait marqué autant que d’autres personnes qui étaient plus grandes ». Pourtant, l’école nous rappelle sans cesse le devoir de mémoire qui nous incombe. En vain pour ce jeune parisien. 

76% des Français sont en faveur de la liberté de caricature

Contrairement aux précédents étudiants rencontrés, Antoine, 23 ans, semble encore traumatisé : « Cela me paraissait fou à l’époque que ça arrive en France. Mais aujourd’hui, c’est encore dans ma tête ». Un sondage IFOP paru dans le journal Charlie Hebdo du jour révèle que 76 % des Français sont favorables à la liberté de caricature en juin 2024 contre 58 % en septembre 2012. Comme Antoine, les trois quarts des Français restent attachés à la liberté d’expression et 18 % ont changé d’avis entre les deux sondages, qui sont intervenus avant et après l’attaque. De façon encore plus paradoxale, les Français semblent plus concernés par la liberté d’expression aujourd’hui qu’il y a 4 ans. Ce même sondage indique que 62 % des Français en juin 2024 étaient favorables à la critique outrageante d’une croyance contre 50 % en février 2020.

Le sentiment d’être « Charlie » ne fait pas que perdurer en France, il s’est même renforcé. Pourtant, ce phénomène s’inscrit comme un clivage générationnel dans le 13ème arrondissement où la jeune génération préfère s’engager pour d’autres peuples plutôt que pour ses droits en France.